« La socialisation précoce - Affaire privée ou mission publique ? »

11.03.2019

La journée du 24 janvier a été organisée entre Pro Familia Suisse et l’Université de Fribourg, Chaire de Travail social et politiques sociales. Elle portait sur la socialisation précoce Affaire publique ou privée et a été ouverte par la Conseillère d’Etat Anne-Claude Demierre en charge de la santé et des affaires sociales. Environ 70 personnes, de différents horizons professionnels, étaient présentes. Les intervenants étaient à la fois des personnes du monde académique et du monde professionnel.

Le retour sur investissement  de la petite enfance (0-5) est de 13%, plus élevé que celui réalisé pour d’autres tranches d’âge
Le retour sur investissement de la petite enfance (0-5) est de 13%, plus élevé que celui réalisé pour d’autres tranches d’âge

L’approche de la socialisation précoce s’est faite sous plusieurs angles différents : social, écono-mique ainsi que par la présentation de projets concrets.

La socialisation est d’abord l’intériorisation des normes sociales réalisées par imprégnation et imi-tation. La question n’est pas de savoir si un enfant est socialisé ou non, mais comment, et par qui. Les acteurs de la socialisation doivent faire attention que la norme sociale majoritaire qu’il véhicule respecte la culture, les normes sociales et l’environnement de l’enfant socialisé.

Sous l’aspect économique de la socialisation, on observe que l’investissement est le plus productif lors de la petite enfance. Le graphe suivant en est une parfaite illustration.

Le retour sur investissement de la petite enfance (0-5) est de 13%, plus élevé que celui réalisé pour d’autres tranches d’âge, et a des conséquences sur :

  1. La productivité (emploi, salaires, interactions avec collègues)
  2. La santé (meilleure santé et moins de couts pour la collectivité)
  3. La criminalité (moins de criminalité, moins de couts pour les policiers, le système ju-diciaire, les victimes, etc.)
    Sous l’angle pratique, le projet de la ville de Berne, intitulé projet Primano a été présenté. Ce pro-gramme permet de donner des chances équitables de formation et de santé pour tous les en-fants. Les perspectives d‘avenir commencent dans les premières années de vie. Le projet Primano se présente ainsi

A partir du 1.1.2017, il existe une offre régulière couvrant toute la ville avec une acceptation poli-tique ainsi qu’un soutien/coopération du canton avec un cofinancement par petits:pas. Le module de soutien a été cantonalisé et il existe une mise en réseau régionale par les services spécialisés du canton. En conclusion, les résultats sont satisfaisants quant à la qualité du programme et de son efficacité. Il existe de meilleures chances pour les enfants et leurs familles, une acceptation poli-tique pour l’encouragement précoce et une focalisation accrue sur la pauvreté des familles. L’encouragement précoce est une première pièce de puzzle, d’autres démarches doivent suivre et des bases légales pour l’encouragement précoce doivent absolument être créées.

Concernant, l‘encouragement précoce dans la politique d‘intégration au niveau national, les fa-milles migrantes sont informées des offres concernant la petite enfance dans les domaines de la prise en charge médicale, du soutien familial, de l'encouragement de l'intégration et de la promo-tion de la santé, et elles ont accès à ces offres dans le respect du principe de l'égalité des chances. Au niveau cantonal, plusieurs départements sont impliqués. Le travail de coordination est coûteux, quelque fois non souhaité. Il existe aussi une incitation financière et une règle de financement 50:50 qui favorisent la durabilité. Le sujet de l’encouragement précoce est présent dans la politique et dans les médias. Le temps semble être mûr. La nécessité d’encourager l’intégration le plus tôt que possible dans l’enfance est accepté. Les financements possibles existent. Plusieurs initiatives parlementaires et motions sont en cours. Il serait cependant souhaitable d’avoir une compétence claire au niveau fédéral. Aujourd’hui, il s’agit de continuer à coordonner et mettre en réseau.

Conclusion
Même si tout le monde est favorable à une politique de la petite enfance, plusieurs obstacles de-meurent. Economiquement, il s’agit d’un investissement à haut rendement et peu risqué qui libère de la main-d’œuvre, souvent fortement qualifiée. Socialement, la socialisation précoce permet une ouverture à la diversité culturelle et normative. Elle familiarise avec les institutions, donne con-fiance en elles et facilite le fait d’être un individu à la fois conforme et autonome. Politiquement, elle contribue à réduire les inégalités sociales entre les enfants et les inégalités de genre entre les conjoints. Cependant, la tradition familialiste de la Suisse, la subsidiarité, ainsi que la durée du retour sur investissement sont des freins à la socialisation précoce. Il faudrait dès lors accroître le nombre de places disponibles, augmenter l’accessibilité, favoriser les plus défavorisés, le travail des femmes et la conciliation Travail-Famille. Il s’agit aussi de repenser le financement des structures d’accueil de la petite enfance en se posant la question qui doit contribuer, sous quelle forme finan-cer, Comment réduire les inégalités des familles face au coût du placement ou encore quel instance peut réguler le système.

Auteur: Dr Philippe Gnaegi, Directeur de Pro Familia Suisse