Milan Prenosil: «Ma soif d’histoires a fait qu’à quatre ans, je savais lire et écrire.»

12.06.2017

Milan Prenosil, le président du conseil d’administration de la Confiserie Sprüngli AG, explique dans une interview exclusive pourquoi il soutient la campagne Ready!, évoque les journées inspirantes qu’il a passées au bord de la mer Noire et les aventures qu’il a vécues avec ses grands-parents et exhorte l’État suisse à investir davantage dans l’encouragement précoce de la nouvelle génération. 10 questions, 10 réponses.

Milan Prenosil
Milan Prenosil

1. Quel est votre premier souvenir d’enfance et quel âge aviez-vous?
À l’âge de trois ans, j’ai eu la chance de pouvoir passer quelques jours en tête-à-tête avec mon père au bord de la mer Noire. Ma mère était enceinte de mon frère et avait besoin de quelques jours de repos et de temps pour elle. Je me souviens encore très bien aujourd’hui de ce séjour au bord de la mer Noire.

2. De quelle manière et par qui avez-vous été encouragé durant votre petite enfance?
J’ai été encouragé non seulement par mes parents, mais aussi par mes grands-parents. J’ai vécu des aventures avec eux, ils m’ont raconté des histoires, m’ont emmené faire des excursions et m’ont parlé de leur vie. Mon grand-père notamment était un formidable conteur. Ma soif d’histoires a fait qu’à quatre ans, je savais lire et écrire. Ce centre d’intérêt a été encouragé de manière ciblée par mes parents. Jusqu’à l’âge de six ans, j’ai grandi dans un environnement bilingue en Tchécoslovaquie, comme elle s’appelait alors. Mes parents attachaient une grande importance au fait que j’apprenne l’allemand en plus du tchèque.

3. Comment avez-vous encouragé vos enfants?
Ma femme et moi tenions à encourager nos enfants de manière à la fois stratégique et ludique. Nous nous sommes donc penchés sur les aptitudes et les goûts individuels de chacun. Étant donné que moi-même, j’aimais tellement les histoires quand j’étais petit, c’est moi qui racontais des histoires à nos enfants. Le soir, je racontais donc une histoire différente à chacun de nos trois enfants en tenant compte de leurs goûts et de leur âge. Les discussions autour de la table familiales faisaient également partie de l’encouragement. Nos enfants ont reçu une éducation en trois langues (allemand, français et anglais).

4. Comment parvenez-vous à concilier votre vie professionnelle et votre vie familiale?
Je suis convaincu que donner une bonne éducation ne signifie pas forcément ne rien faire d’autre de la journée que de s’occuper de ses enfants. En tant qu’entrepreneur, j’ai été et suis toujours très sollicité et ma femme travaille elle aussi. Nous avons néanmoins toujours pris du temps pour nos enfants et les avons encouragés de manière ciblée et adaptée.

La conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale constitue un défi. C’est pourquoi il est si important d’offrir une large palette de possibilités de soutien (crèches, grands-parents ou service d’accueil à tour de rôle dans le voisinage). Il nous est arrivé d’avoir jusqu’à huit enfants chez nous lorsque nous gardions les enfants du quartier. Les Suisses s’entraident beaucoup, mais ils ne peuvent pas toujours compter sur leurs voisins ou les grands-parents. D’où l’importance de disposer de modes de garde institutionnalisés assurés par des tiers, solutions intéressantes non seulement pour les parents, mais aussi pour les enfants. Je suis en effet convaincu que le fait de rencontrer et de se confronter à d’autres enfants de leur âge profite aux enfants.

5. Pourquoi vous engagez-vous pour Ready! et donc pour une politique globale de la petite enfance?
Je trouve très important qu’en Suisse, tous les enfants soient encouragés de manière créative, avec amour, de façon ludique et en tenant compte des préférences de chacun. Le fait d’encourager chaque enfant en fonction de ses aptitudes facilite grandement son passage au jardin d’enfants et plus tard son entrée à l’école.

L’idée est aussi d’intégrer les enfants issus de familles à faible niveau d’instruction et/ou étrangères. En encourageant dès que possible leur maîtrise de la langue, nous les aidons à trouver leurs repères dans la société. Cela joue également plus tard sur leurs possibilités d’apprentissage d’un métier. Les enfants encouragés de manière ludique et adaptée d’aujourd’hui sont les piliers de la société et de l’économie de demain.

6. Quels sont selon vous les points forts de la Suisse dans le domaine de la petite enfance?
Déjà, ils sont peu nombreux. La Suisse n’investit tout bonnement pas assez dans la petite enfance. Le rapport sur l’éducation publié en 2016 par l’OCDE montre que comparé à d’autres, l’État suisse dépense peu pour l’accueil préscolaire extrafamilial institutionnel des enfants. Ces dépenses ne représentent que 0,2% de notre PIB. Le reproche de l’étatisation des enfants ne tient donc pas la route face au faible investissement de l’État dans l’encouragement précoce de la nouvelle génération.

7. Et dans quels domaines la Suisse doit-elle s’améliorer?
Elle doit être davantage consciente que la responsabilité des enfants incombe aux parents, mais aussi à l’État. Il ne doit faire aucun doute pour les parents qu’ils ont le devoir d’encourager leurs enfants avec amour en tenant compte de leurs dispositions. Quant à l’État, il devrait mettre à la disposition des parents qui veulent ou doivent travailler des crèches de qualité. Ce sont mes convictions libérales qui parlent car j’estime que les investissements ne profitent pas uniquement aux individus, mais aussi à l’ensemble de l’économie.

8. Quels arguments pouvez-vous avancer pour que l’État et l’économie investissent davantage dans la petite enfance?
Un État développé, moderne et libéral soutient les familles ainsi que les mères voulant ou devant travailler. Une société libérale doit offrir toutes les possibilités qui existent à l’individu. La société évolue et l’État devrait satisfaire à temps les besoins de ses membres. La forte régression du taux de natalité chez les femmes ayant une bonne formation n’est pas une bonne nouvelle pour l’État suisse. Il doit donc mettre des aides pragmatiques à la disposition des familles dans lesquelles les deux parents veulent ou doivent travailler. En plus, l’accès à l’éducation constituant le fondement de notre société, ce n’est vraiment pas dans ce domaine que l’État devrait économiser!

9. Que répondez-vous à ceux qui affirment que les quatre premières années d’un enfant ne concernent que la famille?
Les quatre premières années d’un enfant concernent autant l’État que les parents. Les parents portent la responsabilité de leur enfant mais l’État a une mission d’éducation et d’encouragement qu’il devrait assumer avant l’entrée de l’enfant au jardin d’enfants. Les manques qui surviennent durant les quatre premières années de vie ne peuvent plus être compensés par la suite. L’État a tout intérêt, pour des raisons sociales et économiques, à s’investir pour l’ensemble de ses membres et pas uniquement pour ceux qui ont plus de quatre ans. C’est pourquoi je me réjouis aussi de l’initiative parlementaire de Matthias Aebischer, ambassadeur de Ready! et conseiller national. Ce dernier exige que la loi sur l’encouragement de l’enfance et de la jeunesse, qui exclut actuellement les enfants de 0 à 4 ans, s’applique à tous les enfants, de la naissance à 25 ans.

10. Encourager des enfants entre 0 et 4 ans, cela signifie...
... donner aux enfants la chance de mener une vie épanouie et autodéterminée tenant compte de leurs talents et leurs possibilités.

Milan Prenosil est le président du conseil d’administration de la Confiserie Sprüngli AG. Il est marié et père de trois enfants.